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The Little Rabbits
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Le cinquième album des Little Rabbits, humblement intitulé La Grande Musique, mis en boîte entre Nantes/Loire-Atlantique et Tucson/Arizona, risque fort de secouer brutalement les chaumières assoupies par les agapes du nouvel an. Entièrement chantées dans un français relâché et hirsute, les treize nouvelles chansons s'affranchissent totalement du format pop pour (dé)figurer de véritables scénarios vivants et grinçants : des histoires d'hommes, de femmes et de voitures, dynamitées par un sax sexy, de la flûte enchantée, des scratches, des pulsations funky, des sirènes de police, des guitares en zigzag. Mille et une idées plus tordues et turbulentes, fumeuses et lumineuses les unes que les autres. Sortie le 3 janvier.
Les Inrockuptibles #267, 28 novembre/4 décembre 2000
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LA GRANDE MUSIQUE
Au bout de trois disques enregistrés àTucson, les Little
Rabbits ont fini par trouver la formule idoine et leur nouvel album,
La Grande musique s'avère un disque rempli à doses égales
d'insouciance et d'amertume, fourmillant de détails, de détournements,
de clichés habilement superposés et jouissant néanmoins
d'une fluidité et d'une légèreté fabuleusement
séduisante, résolument nouvelle dans le paysage du rock
en français. Hormis le coup de grisou du single La Grande musique,
leur surenchère nihiliste au Je vous emmerde de Katerine, le
reste de l'album est beaucoup moins écorché niveau langage
et beaucoup plus véloce musicalement que les précédents.
L'ingérence des bandes originales de films Blaxploitation (les
flûtes déjantées, les cuivres assassins, les percussions
sous pression, la wah wah enragée) en territoire Nantais, déjà
en incubation sur Yeah!, aboutit ici à l'élaboration d'un
pacte dÕentente cordiale entre l'univers blanc blafard des textes et
la pulsion noire des musiques. Leur Simca 1000 double sans complexe
la Ford Mustang customisée de Gainsbourg, Une belle fille comme
toi reprend les choses là où Jaqueline Taïeb (immortelle
interprète de 7 h du matin, scie rock'n roll yéyé
qui tournait en boucle dans la salle de repos du studio) les avaient
larguées àla fin des sixties. Quant au rose de la pochette,
on ne peut s'empêcher de le marier à celui dÕObsolète,
disque méga-culte de Dashiell Hedayat, où il était
déjà pas mal question à l'époque (71) de
bagnoles (Chrysler) et de filles, de dérapages affectifs sans
contrôle et d'insoumission musicale. Signe du changement opéré
en douceur : l'orgue glouton et abrasif d'Olivier Champain mène
souvent la farandole là où jadis les guitares traçaient
seules la voie à suivre, avec interdiction d'embrasser les platanes
et d'embraser trop ardemment le coeur des pop-songs. En chantier depuis
plus d'un an et demi, La Grande musique était voué dès
l'origine à la perméabilité, aux expériences
venues de partout à la fois, à l'abolition du cadre dans
lequel s'étaient sagement terrés les Rabbits jusqu'à
présent. A l'arrivée, ce nouvel album, à l' impressionnante
étoffe musicale, se révèle comme un sacré
disque de rock'n'roll pétulant et jouisseur.
Joseph Ghosn
lesinrocks.com, le 10 janvier 2001
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