Biographie des Little Rabbits, par Christophe Conte (1998)

 

Oh Yeah maybe - The Crystals (62)

Moins de deux ans après Grand Public, les Little Rabbits rempilent : direction Tucson, une nouvelle fois, dans le fief Arizonien et désormais sacré du producteur Jim Waters, le Phil Spector de l'underground américain. D'impatients patients aussi réputés que Jon Spencer Blues Explosion, Jonathan Fire Eater ou Sonic Youth n'ont pas consenti au hasard à se laisser meurtrir les chairs, diffracter les poumons, écorcher les tissus, malmener organes et cellules par ce praticien expert en déglingue. Depuis qu'ils ont rencontré l'oncle Jim d'Amérique, les Little Rabbits osent eux aussi toutes les contorsions, se soumettent aux plus rudes traitements, testent la solidité de leurs chansons en les explosant contre ce mur du son râpeux et âpre. Et avec les débris, ils remplissent à ras bord leurs albums. Pour les oreilles flemmardes, habituées au cocooning hi-tech des Fréquences Molles, le verdict sera sans appel : son dégueulasse. Qu'est ce que ça veut dire dégueulasse ? Ce son-là vibre, vrille et virevolte. II vivifie et vitriole. Qu'importe alors qu'il soit un peu crade et mal peigné: il vit, et c'est l'essentiel.

She Said Yeah - The Rolling Stones (65)

A Tucson, l'une des contribuables porte un nom mythique et un prénom archi-mythique (surtout chez les amateurs de slows): Angie Bowie. Les Rabbits ont du user de tous leurs charmes combinés - que la rumeur prétend énormes - pour que l'illustre égérie leur fasse honneur de sa vipérine réplique. Et, miracle, elle a dit oui (Yeah ! dans le texte): c'est donc elle, garce éternelle et sublime, que l'on entend pencher avidement ses lèvres au bord de La Piscine, joli bain de microbes infectieux, ou vamper sur plusieurs titres de l'album toutes les héroines Nouvelle Vague (Bardot, Jean Seberg, Anna Karina, Birkin) dans un numéro de transformisme vocal qui fera date.

Oh Yeah - Can (71)

Fréquenter du beau linge, fureter dans les contre-allées de la légende du rock'n roll (yeah !) n'a pas empêché les Rabbits d'opérer une mue salutaire. Avec l'adjonction temporaire d'un sixième membre - Laurent Allinger -, préposé aux platines, ils enrichissent désormais leur vocabulaire musical de mots nouveaux et jusqu'alors interdits : groove, scratches, samples, break-beats... Yeah est donc le premier album résolument expérimental des Little Rabbits. On les surprend en flagrant délire de traficotages heureux tels d'espiègles savants, lâchant des Yeah ! victorieux à chaque nouvelle greffe réussie. Et elle sont nombreuses, ces greffes qui prennent dans le râble des Rabbits et leur insufflent une seconde jeunesse encore plus réjouissante que la première. En plus, ces Folamour savent aussi chanter L'Amour, ce qui ne gâte rien.

Yeah, yeah, yeah - The Vibrators (77)

Qu'on se rassure, les Little Rabbits n'ont pas perdu sur le chemin du laboratoire leur légendaire vigueur. Ceux qui demeurent les plus turbulents visiteurs des scènes françaises depuis l'aube des années 90 sont encore capables de furibardes sautes d'humeur. Volontiers lascifs et rêveurs sur la longueur de l'album, ils lâchent sans semonce un Red Disks diablement combustible dont on devine déjà les futures déflagrations live. Truffées d'orgues et de morgue, leurs chansons basculent à la hussarde cette vieille fille frigide qu'est devenu le rock à force d'opérations douteuses. Au plaisir de jouer ils ajoutent l'urgence d'en jouir, dans une ambiance partouzarde digne du grand soir du punk.

Oh Yeah - Roxy Music (80)

Les Little Rabbits savent aussi porter le costard des dragueurs distribuer des oeillades humectées de promesses langoureuses - Down Here - ou déhancher leur corps d'athlètes sur de salaces rythmiques funky. Même perdus dans un trou de l'Amérique profonde, ils conservent intacte leur élégance continentale naturelle. Entre les cinq à sept mesquins de Clinton et l'opulence romanesque de Casanova, ils n'ont pas mis longtemps à choisir leur patrie.

Yeah - The Little Rabbits (98)

On a connu les Little Rabbits en pois sauteurs pop - Dans les Faux Puits Rouges et Gris (91). Ils nous ont fait voir La Mer, goûter l'amertume, pénétrer d'impressionnantes spirales - Dedalus (93) -, et lorsqu'ils se prirent à rêver d'Amérique, certains ne donnèrent pas cher de leur pelage. Evidemment, ils avaient tort. sur les terres de Beck, Swell ou Pavement - du Velvet, des Stooges etc. -, les nantais ont su creuser leur sillon, s'inspirer des vapeurs locales et se réinventer, au point de créer une vraie confusion pour ceux qui viendraient à prendre le train en marche: sont-ils le plus américains des groupes français ou le plus français de groupes américains ? Cultivant ce paradoxe de mieux pratiquer leur langue maternelle à l'étranger, les Little Rabbits ont timidement marmonné en français pour la première fois en 96 sur Grand Public. Que nos académiciens se réjouissent : sur ce nouvel album, ils se mouillent un peu plus grâce à La Piscine, Du Blé dans les Fouilles et quelques titres en français pas piqués des vers. Ils appellent aussi Gainsbourg en renfort (Roller Girl) pour une intrusion malpolie chez les yéyés. Yeah !

C.C.

 

Presentation du groupe
La présentation du groupe


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